Bref....

Publié le 2 Mai 2014

Bref....

Il y a des jours comme ça où mon infertilité, doublée des lettres de noblesses "LOOSEUSE DE L'EXTREME" sont tatoués sur mon front... Et bien c'était hier, happy fête du coeur dans le four travail!

Je prends mon téléphone pour appeler l'homme, et comme j'aime me compliquer la vie et que je suis en voiture (pas bien), je vais direct à la lettre de son petit surnom (qui commence par un D). et là j'hallucine : car à D, il y a tous les médecins, spécialistes professeurs et tutti quanti que j'ai rencontré ces quatre dernières années. Il y en a plus de 20. Ça met un coup.

En rentrant, parce qu'il ne faut pas se laisser abattre et garder espoir sans se dire que l'on va se mettre la tête dans le four, je prends des nouvelles de mon ex copine de galère, qui a débuté les essais en même temps que moi, a exactement le même âge que moi, et est enceinte de 7 mois. Ça n'était pas une bonne idée, Car lorsqu'elle me dit que 2014 sera son année et qu'elle espère que ça sera aussi la mienne je réalise que non : 2014 ne fera pas de moi une maman. Comme chaque année, en mai, je réalise que si je tombe enceinte c'est de toute façon pour l'année d'après. Et toujours le même blues qui remonte, aussi surprenant qu'un verre qui tombe et se brise et que l'abondance de mes larmes alors que deux secondes plus tôt ils étaient tous secs et tous joyeux. Et oui, ma copine qui est dans le train depuis 7 mois n'est plus une copine de galère, elle est presque de l'autre côté. Et moi pour la première fois, je ne me dis pas "peut-être qu'en 2015...". Et ça me met le bourdon de me voir aussi résignée.

Notre échange de texto s'arrête quand ma copine "bohème", mère de deux enfants, me passe un coup de fil pour papoter. Avec elle les conversations sont toujours légères et agréables mais parfois, parce que c'est tellement facile de me heurter, ça dérape en maladresse (mais je ne dis rien, je sais que je suis encore plus fragile qu'une tasse en porcelaine sous le pied d'un éléphant). J'hésite avant de décrocher mais je refuse de sombrer dans la déprime du maxi combo plaid télé bouillotte finale du bachelor, je décroche. Elle a raison de dire que j'ai de la chance de m'envoler à l'autre bout du monde, vraiment beaucoup beaucoup de chance (c'est vrai vrai). Mais voilà, insister sur le fait que j'ai trop de bol d'avoir le luxe de faire des grasse mat' (que je ne fais pas), de partir en voyage loin (ce que je fais c'est vrai), d'avoir du temps pour moi ... C'est vrai, c'est une chance. Mais je ne vais pas non plus me tailler les veines : oui ne pas avoir d'enfant a des avantages (et inversement) mais la contrepartie est très très dure à vivre quand ça n'est pas un choix. Elle essaie peut-être de me dégouter pour me consoler mais ça a l'effet inverse (je suis tordue je sais, je vous dis, je ne dis rien). j'ai l'impression qu'elle se plaint de la vie qu'elle a choisi et qu'elle essaie de me convaincre que la vie que je subis c'est le paradis. Alors, en choisissant bien mes mots, je conclue le sujet en lui disant " Je n'ai pas choisi de ne pas avoir d'enfants et j'essaie de tirer profit au maximum des avantages que ça peut m'apporter". En deux deux, elle a changé de sujet. Chacun sa croix. AMEN.

Après toutes ces péripéties, je finis finalement sous mon plaid devant la télé avec ma bouillote. Je décide d'aller surfer sur internet faire chauffer ma carte bleue, puisque je n'ai pas de couches à acheter et de nounou à payer, et là je reçois un mail. Comment pampers a-t-il su, je ne sais pas, mais c'était un mail pour me dire "bébé arrive dans 15 jours, préparez votre valise". Oui c'est vrai, bébé devait arriver dans 15 jours... Aller, un jour peut-être. Je ravale mon sanglot et je mets ce mail à la poubelle, sans un mot, sans même un soupir. Et je tape dans mon ami google le mot magique de ma destination de vacances et je rêve, je rêve en regardant les images.... Et je m'accroche à ma chance, le luxe de pouvoir partir et faire un gros reset de quelques semaines. Je suis confrontée, sur les forum, sur les blogs a des réalités bien moins légères. Oui il y a pire et oui je dois m'accrocher.

Heureusement, le soir, je vais voir une super copine, celle qui me ressemble, celle qui me comprend, celle avec qui c'est TOUJOURS, toujours facile. Même enfance brisée, même besoin viscéral de maternité. J'adore ses enfants, j'adore sa philosophie de la vie. Comme quoi, parfois, on a de vrais beaux cadeaux sur la route, et ça permet d'avoir envie de continuer à la découvrir même si on a plus trop d'énergie pour avancer. Avec elle et son homme, pas besoin de tricher, ils savent, ils comprennent et du coup, je me retrouve, j'arrive à oublier et à rire autant que quand on s'est rencontrés à 18 ans. Sauf qu'en arrivant, je comprends à l'attitude de se grande qu'en fait, nous sommes là pour une annonce. Je sens dans son regard qu'elle est mal à l'aise et je lui dis timidement "je crois que j'ai compris". Elle me dit émue qu'elle voulait que je sois la première au courant (après son homme et ses enfants), qu'elle ne voulait pas me faire de mal, qu'elle voulait me protéger. Je suis tellement touchée, bouleversée, heureuse pour elle, heureuse pour eux, que les mots restent coincés dans ma gorge. Je n'arrive à dire que "Je suis très touchée, merci" avec un sourire crispé et timide. J'avais envie de la prendre dans mes bras, de lui dire à quel point ce qu'elle venait de faire me donnait l'impression d'avoir trouvé une oasis en plein désert. Et que même si quelque part, forcément, ça me rappelle qu'elle a eu le temps d'avoir trois enfants quand moi je suis toujours dans les starting blocks, pour la première fois, je ne verserai pas une larme en rentrant chez moi, comme cette soirée, il y a pile deux ans, où elle avait compris mon malaise.

Petit flashback. Nous sommes toutes les deux au resto avec ma copine bohème. J'avais eu cette intuition que la copine bohème allait m'annoncer qu'elle attendait le second. J'avais raison, elle m'a tendu un paquet de mouchoir quand on nous a servi l'entrée, clin d'oeil (maladroit) à sa première grossesse, où j'avais été si émue de la savoir enceinte. Je n'ai pas eu besoin d'ouvrir le paquet, j'ai réussi, je ne sais comment, à retenir mes larmes... Même quand elle a raconté qu'elle avait eu peur de faire une fausse couche au début de sa grossesse et que c'était une fausse alerte... Même quand elle m'a demandé "d'ailleurs comment ça se passe une fausse couche?" Évidemment, demandons à la ceinture noire de l'utérus auto wash!... Même quand elle a parlé, une grande partie de la soirée, de l'arrivée de ce bébé...

J'aime ma copine bohème et je ne lui en veux pas. Nous n'avons pas la même histoire, pas les même problèmes et ça n'est pas pour autant que je ne peux pas réussir à être celle que j'étais avant d'être infertile. Mais après cette soirée, j'ai pleuré pendant 10 longues heures, sans réussir à m'arrêter, à avoir l'impression que ma poitrine se déchirait sous le poids de ma douleur. Ma super copine a vu dans mon regard ce soir là, que je souffrais énormément et hier elle a voulu me protéger, comme jamais je ne l'ai été, même enfant. C'est tellement chouette et tellement beau, de se dire que l'on mérite autant de considération, alors que l'on ne se supporte plus, que ça soit devant une glace ou au son de ses propres oreilles, que ça répare tout le reste. Ça me tiendra chaud quand je grelotterai, ça me donnera de l'espoir quand je ne croirai plus en rien.

Il y a des jours comme ça, où la loose te colle comme une ombre. Hier j'ai une amie qui a a fait plus que de m'aider à tirer ma valise, elle l'a portée seule, pour me soulager pendant quelques heures. Ça fait un bien fou.

Bref... Hier c'était le premier mai et je me suis endormie dans un immense champs de muguet.

Rédigé par Carotte

Publié dans #Etats d'âme

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M
Ton post est super émouvant… Je comprends si bien ce que tu peux ressentir. Ta copine bohème m'a l'air un peu lourde… et tu as su en quelques mots lui dire ce que tu ressentais. Heureusement que ton autre super copine est là pour savoir comment te préserver.
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L
&quot;elle se plaint de la vie qu'elle a choisi et qu'elle essaie de me convaincre que la vie que je subis c'est le paradis&quot;<br /> Une phrase tellement juste... et tellement absurde en même temps!
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M
Oui, tu as un parcours plus que difficile et largement le droit de pleurer et de te plaindre. D'ailleurs en relisant ton parcours, je me suis dit que moi à côté c'est de la rigolade. 4 ans d'attente, je te trouve très courageuse et hyper patiente. Je ne vais pas te dire que tu vas être enceinte en 2014 parce que je n'en sais rien, mais en tout cas je constate que tu es bien entourée et c'est un immense appui dans ce long combat.Ton récit est très émouvant. Je croise les doigts très fort pour que ton rêve devienne un jour réalité et j'espère avoir la joie de lire un jour cette bonne nouvelle.Biz
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Tu sais le poids des années fait mal mais au final le mal d'enfant et la Pma, quelle que soit la durée, c'est la même douleur, la même vulnérabilité,<br /> Le même combat. Même si je ne souhaite ça a personne ça rassure aussi de savoir que l'on n'est pas seul et que ce que l'on ressent est "normal". Mine de rien on se sent tellement en marge qu'un peu de normalité ça rassure! Merci pour tes encouragements, j'espère qu'on se retrouvera bientôt dans le train! Plein de bisous