Libre
Publié le 3 Septembre 2014
Je cherchais un titre pour ce post et le premier mot qui m'est venu à l'esprit est celui là : je suis libre. Libre de boire du coca light jusqu'à plus soif et plein de cafés si je le souhaite, de prendre une cuite avec mes amis et me coucher à pas d'heure, de décider en dernière minute de prendre un avion dans les jours qui viennent parce que j'ai envie d'ailleurs. Je suis libre de me gaver de télé tout un week-end même s'il fait très beau dehors, de faire trôner mon mac dans le salon, de manger avec l'homme (avec les doigts, c'est tellement meilleur!!!) devant la télé et sur la table basse, de dire des gros mots (sauf au boulot, libre, pas folle). Je suis libre de faire la grasse mat' quand je ne bosse pas, de faire des folies chez cop copine quand j'en ai envie, de faire une heure de sport presque tous les soirs, de décider en dernière minute une soirée improvisée avec mes copines, de faire un régime pour retrouver mon corps TEL QUE JE L'ACCEPTE, d'avoir des meubles bas et design avec plein de bibelots dessus, de faire des folies avec l'homme ailleurs que dans mon lit, et de rester en pyjama tous les dimanches.
Je pourrai continuer comme ça indéfiniment car j'apprends à aimer ma vie à nouveau, comme avant. avant que le coucou de la fertilité ne sonne le glas de mon insouciance et la légèreté des mes soirées arrosées. Sauf qu'aujourd'hui je suis adulte et je réalise que c'est encore meilleur : ma liberté est encore plus grande.
La rentrée ne me serre pas le coeur cette année, c'est le contraire qui se passe et parfois je me surprends à le dire "mais qui es-tu?" et je souris. Aujourd'hui je vois mes collègues se prendre la tête avec la rentrée, les rythmes scolaires, les activités des enfants, les nounous, le manque de sommeil, les nez qui coulent, les cauchemars... Avant je ne voyais que le côté édulcoré et brillant de la maternité. Aujourd'hui, demi tour radical, c'est l'inverse. Je réalise que, même si ma stérilité n'est pas un choix le bonheur en revanche en est un. Que je ne peux pas me résumer à un ventre vide, je suis plus que ça, et je mérite d'être plus gentille avec moi. Et que ne pas avoir d'enfants n'a pas que des inconvénients très (trop) lourds à porter. Pas tous les jours, pas pour TOUT. Avant, je ne réalisais pas. Maintenant, je vois et je comprends certaines réflexions qui me rendaient dingue.
Je réalise, maintenant que j'arrive à prendre du recul que j'ai touché le fond il y a un peu moins d'un an, quand j'ai vu le coeur de notre petit nous décélérer en direct chez la gynéco. Ma 7ème fausse couche a été un enfer (et en écrivant ces mots j'ai une énorme pensée pour Zelda...), j'ai même voulu disparaitre, j'étais fatiguée et très lasse. J'avais l'impression de n'être que douleur et chagrin, de ne pas mériter de vivre alors que mes poussières d'étoiles s'éteignaient une à une en moi : je ne donnais pas la vie comme tout le monde, je donnais la mort. J'ai cru y voir un message du destin : "Ca y est, tu as enfin compris à force de traverser de grosses galères, tu comprends que tu n'as pas ta place?". Je l'ai déjà entendu cette phrase, de ma mère, dans un moment de colère "je ne t'ai pas désirée". Elle ne le pensait pas, je le sais, c'était sa maladie qui parlait, mais c'est resté gravé. Je crois que pendant toutes ces années j'ai cherché la preuve qu'elle avait raison. Ma stérilité aura été la punition ultime mais aussi la clé de ma liberté. Moi aussi j'ai le droit d'être heureuse, j'ai le droit d'exister.
Aujourd'hui je commence à me comprendre, j'apprends à me connaitre, à m'apprivoiser. C'est ça murir? Bazar, à 32 ans il était temps!!!
Cela fait déjà 5 semaines que j'ai repris le chemin du travail et ça y est, avec la rentrée, le rythme s'accélère, les dossiers s'empilent, les RDV s'enchainent, les sujets du mémoire arrivent... J'aime cette adrénaline. J'avais réussi à oublier à quel point j'aimais mon boulot, à quel point il était riche et prenant. Nous sommes déjà mercredi soir, je n'ai pas vu ces trois jours passer. Je ne compte plus les heures, je ne suis plus fixée sur mon calendrier à compter les jours. Je vis chaque jour sans penser au lendemain. Je me sens légère, j'ai l'impression que tout est possible. Même si, entre le boulot et le sport avec l'homme on se croise et on se prend le bec. On ne pas tout avoir non plus :) Et on a, malgré tout, de très beaux moments de tendresse, aussi.
La semaine prochaine je vais être contactée par l'assistante sociale pour débuter notre dossier d'agrément. La machine est lancée et l'homme a accepté de rencontrer la psy de la PMA pour en parler (en revanche pas de bras pas de chocolat : la PMA te dit bye bye, tu paies tes consultations, of course ^^).
La semaine prochaine nous avons Rdv à Poissy. Peu m'importe : ponction en octobre ou novembre (même si je soutiens mon mémoire fin novembre, et il sera prioritaire). L'homme est convaincu qu'il y aura transfert, moi non, je suis lucide : avec deux embryons non fragmentés sur 16 je n'ai aucun doute sur le verdict de la biopsie de mes globules polaires. J'y vais pour confirmer ma stérilité. Pour la moi de dans quelques années, la moi qui se demandera si elle a bien fait d'arrêter. Je veux un argument irréfutable contre mes remises en question de la quarantaine. Et j'ai besoin de carburant pour avancer. Si Poissy m'apporte de bonnes nouvelles, ça sera la cerise sur le popcake. Car s'il y a bien quelque chose que j'ai compris, c'est que je ne dois plus attendre que cette fameuse roue tourne : ce qui n'est pas possible n'est pas possible basta (j'adorerais avoir 1 mètre de jambe et pourtant... Me gaver de nutella et avoir le corps de Gisèle... Ne pas jouer mais rêver de gagner à l'euromillion... Avoir des ovocytes malades et porter un bébé...).
Je refuse de faire un aller retour pour un RDV médical, ma vie ne se résume plus à la PMA. Donc la semaine prochaine, après mon RDV, j'utilise enfin la box bien être que nous avons eu à noël pour un massage en duo. Et le lendemain, on saute dans un avion pour un we en amoureux au soleil, dans une ville que j'adore et que l'homme ne connait pas. On s'offre un bel hôtel parce qu'on veut être hédonistes jusqu'au bout : plaisir des papilles, des yeux et surtout celui de n'être rien que nous deux, loin de notre quotidien. Comme un encas en attendant le prochain gros voyage... Et des paillettes que l'on mettra dans notre quotidien.
Bref vous l'aurez compris... Je profite, au jour le jour et adviendra que pourra. Se sentir presque invincible et non plus invisible, que ça soit éphémère ou non, c'est incroyablement délicieux... Je vous souhaite à toutes de pouvoir aussi ressentir ça... Vous le méritez toutes tellement...